Le Barth qui fumait
27.05.2019
Celui ou celle qui, en tant que théologien-ne, fume au 21e siècle se présente comme un contemporain démodé [unzeitgemässe Zeitgenossin]. C’est ce que l’on peut apprendre du père fumeur de l’Église du siècle passé : Karl Barth. Dans sa dogmatique, il n’a pu s’empêcher, en ce qui concerne l’anthropologie de ses collègues, « qu’aucun de ces apologètes n’ait estimé digne de mentionner le fait que l’homme est apparemment le seul, parmi les êtres vivants, qui sache rire et fumer !! » (Dogmatique, vol. 11, p. 91). Rire et fumer – pour Barth voilà des differentia specifica anthropologiques. Barth a fumé tout au long de sa vie, même lorsqu'il a été informé des effets dévastateurs sur la santé, en 1964. Mais Barth n'a pas toujours vécu avec son temps, non pas malgré, mais à cause de sa contemporanéité alerte. Et de toute façon, il considérait le progrès comme une idée « profondément douteuse » (Dogmatique, vol. 19, p. 68). Plutôt que d’être conforme à la période de son temps, ce qui represente la modernité et donc une théologie à la hauteur de l’époque, Barth parlait de la contemporanéité, car en théologie, ce n'est pas le progrès qui compte, mais la réformation.
Placée face aux défis de son temps, cela peut aussi mener la théologie à une position très inconfortable. Tout comme il est inconfortable d’être fumeur ou fumeuse, aujourd’hui. Ce père fumeur de l’Église ne s’est pas laissé irrité par cela, mais a plutôt confessé : « avant tout, in necessariis, ne céder aucun pas, in dubiis, ne rien laisser paraître, in aliis, ne pas laisser la pipe s’éteindre » (Lettre circulaire, 22 janvier 1922).
Matthias Käser-Braun